Le désenchantement conciliaire

Les âmes magnanimes savent combien cette œuvre de restauration est urgente, lorsqu’elles considèrent l’état présent de la France. La lecture du livre récent de Guillaume Cuchet, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris-Est Créteil : Le catholicisme a-t-il encore de l’avenir en France ? (Seuil, 2021), permet de s’en persuader aisément. Voici quelques passages significatifs.

Sur l’effondrement de la pratique religieuse : « En 1965 toujours [année de la clôture du Concile], 94 % de la génération étaient baptisés dans les trois mois après la naissance ; plus de 80 % des Français faisaient leur communion solennelle ; 60 % contribuaient au denier du culte et la plupart continuaient d’avoir recours à l’Eglise pour consacrer les grandes étapes de leur existence, à travers baptêmes, communions, mariages et obsèques religieuses. » (p. 149) Aujourd’hui : « Un tiers des enfants seulement sont désormais baptisés (contre 94 % vers 1965) et le taux de pratique dominicale avoisine les 2 % (contre 25 % à la même date). »

Sur la stérilité du progressisme : « La faiblesse de la transmission religieuse dans les milieux libéraux : depuis les années 1960, les milieux “libéraux” dans l’Eglise ont eu des taux de conservation et de transmission intergénérationnelle de la foi nettement moins bons que les milieux plus conservateurs, de sorte qu’ils ont fini par perdre en influence dans l’institution, même si ce n’est pas la seule raison. […] Les “libéraux” “produisent” nettement moins de vocations sacerdotales et religieuses que la partie adverse. […] Louis Veuillot appelait cela au XIXe siècle, “l’illusion libérale”, celle qui consiste à croire qu’il suffit de se rapprocher des normes ambiantes pour se rendre aimable et convertir le monde, là où, le plus souvent, celui-ci ne vous sait pas tellement gré d’avoir rejoint ses positions avec un temps de retard et une franchise douteuse. “Jusqu’ici, écrivait Veuillot, la chapelle libérale n’a point d’entrée, et semble n’être qu’une porte de sortie de la grande Eglise”. » (p. 150-151)

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Sur la disparition de la culture chrétienne : « La sortie de la “culture chrétienne” qui caractérisait les “pays de mission” commençait à partir de 20 % d’enfants non baptisés ou non catéchisés. A ce compte-là, il n’y a plus en France depuis longtemps que des pays de ce genre et le point d’interrogation du livre de 1943 des abbés Godin et Daniel, “La France, pays de mission ?”, n’est plus de mise. Todd et Le Bras ont parlé de “catholicisme zombie”, pour désigner cette survie provisoire du catholicisme comme ensemble de déterminants sociaux et anthropologiques, par-delà le déclin de la pratique et des croyances qui les ont engendrés. » (p. 153)

Sur la montée de l’islam et de l’islamisme : « On compterait désormais parmi les jeunes, et même parmi les 18-50 ans, plus de musulmans que de catholiques » (p. 156)

« Jérôme Fourquet [Auteur de L’archipel français, Seuil, 2019], a parlé récemment du “risque d’enclavement sociologique” du catholicisme en France, lié à son devenir minoritaire. » (p. 157)

Sur le site de La Porte Latine du 23 septembre 2021, l’abbé Benoît Espinasse note : « Le constat est d’autant plus éprouvant que les hommes d’Eglise avaient cru tout faire pour s’adapter au monde avec le concile Vatican II. Et Guillaume Cuchet de citer quelques dogmes “sacrifiés sur l’autel de la réconciliation de l’Eglise avec le monde moderne” : la quasi-disparition de la prédication sur l’enfer (“seuls les milieux conservateurs”, “traditionalistes” ou “intégristes” sont restés fidèles sur ce point à l’ancienne théologie”, p. 211), le péché mortel, le péché originel. Quant à la morale, en particulier quant à l’usage du mariage (quand il y a mariage), l’idée de toute contrainte a disparu des esprits faute d’être prêchée par des clercs qui n’y adhèrent plus vraiment. »

Et un peu plus loin, l’abbé Espinasse met en rapport cet ouvrage avec le précédent livre de Guillaume Cuchet, Comment notre monde a cessé d’être chrétien (Seuil, 2018) : « Cet effondrement du catholicisme “a pris les allures d’un krach, avec tout ce que le terme suggère de brutalité et de surprise, y compris pour les spécialistes qui ne s’y attendaient guère” ; et “ce krach s’est produit à la faveur du Concile, avant mai 1968 et la publication de la fameuse encyclique Humanæ vitæ de Paul VI sur le mariage et la contraception traditionnellement invoqués pour l’expliquer”. “Vatican II a été cette réforme… qui a déclenché cette révolution qu’elle prétendait éviter”. »

À suivre…

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