Suite du reportage du pèlerinage Ecône-Assise (2/2)

Impressions d’un pèlerin d’Écône vers Assise du 30 juin au 7 août 2018

(Suite et fin, Accès à la première partie)

La plaine du Pô et ses interminables rizières prend fin à Fidenza où Olivier Le B. nous abandonne, à notre grande déception, mais c’était prévu. Nous abordons ici un nouveau relief ; ce sont les Apennins qui se découvrent à nos yeux. Il nous faudra donc plusieurs étapes de notre pèlerinage pour franchir ce relief dont le col de la Cisa à plus de 1 000 mètres est le passage obligé, puis redescendre progressivement vers la rive de la Méditerranée se rapprochant ainsi d’Aulla et de Sarzana.

 

Jean-Pierre P. subissant une attaque de tendinites multiples, est contraint, à contre cœur, de s’arrêter, mais le renfort arrive en la personne de Thomas N’G., puis nos sympathiques amis alsaciens Bernard et Michelle W. qui pendant plus d’une semaine apporteront du sang neuf à une troupe de pèlerins qui ressent de plus en plus une fatigue dont les effets sont cumulatifs. Bien sûr malgré les difficultés de tous ordres, les pèlerins ont, tout au long de la marche journalière, le secours de leur chapelet, le recours possible à l’aumônier, attentif à soutenir les cœurs, et l’espoir de se retrouver le soir à l’étape, fourbus mais heureux de la messe quotidienne et de la perspective d’un repas généralement pris en commun (nous demandons, ici, l’indulgence des Pères prêcheurs pour une attention pendant le sermon que certains pourraient qualifier d’assoupie, mais que le pèlerin considèrera comme excessivement « concentrée » !).

La fin d’étape est le moment de détente, la dégustation d’une bière Moretti ou de vins italiens parfois déroutants comme certains rouges pétillants et les inévitables « pasta » ou « rizotto« . Les « maîtres cook » tels Patrick (cuisine moderne), ou Dominique (cuisine classique-tous terrains) ou encore Vincent (omni-cuisine, façon mixeur, sans mixeur), et certains amateurs plus ou moins éclairés se mettent aux fourneaux, d’autres moins doués, attendent leur pitance, comme l’oiseau au nid, tout en préparant l’étape du lendemain et en se remémorant les évènements du jour. Le dimanche (mais pas que…!) nous prenons l’apéritif que nous offre la production italienne abondante et variée. C’est la détente, amicale, fraternelle et reconstituante qu’une amorce de fraîcheur vespérale nous offre, bref, une véritable détente de « jacquets », en l’occurrence de « romieux », avant une nuit pas toujours réparatrice, mais avec la certitude et la volonté indéfectible de reprendre le chemin aux aurores.

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Détente

 

Le chemin se poursuit donc, mer Méditerranée à dextre, les immenses plaies blanches des carrières de marbre de Carrare à sénestre, voici les splendides cités de Massa, Lucques, San Miniato, San Gimignano et ses tours multiples. Ce sont maintenant les collines variées, les cultures d’oliviers, les champs de blé, les pins d’Italie, bref tout ce qu’on attendait de la Toscane, qu’elle nous offre généreusement et par-dessus tout le soleil omniprésent, colorant le fameux ciel bleu dit « de Toscane » qui a enchanté et inspiré de très nombreux peintres. L’Italie merveilleuse est maintenant entrée en nous ; nous sommes imprégnés d’elle, de ses splendides églises, de ses paysages, de ses habitants ; elle nous offre sa quintessence, elle qui a produit, outre la véritable culture, tant et tant de saints, comme saint François qui, patiemment nous attend là-bas à Assise et qu’imperceptiblement, lentement, inexorablement, avec la régularité d’un métronome, nos pas conduisent à lui.

Puis ce fut Sienne, la si belle cité de sainte Catherine, attendue avec tant d’espérance mais où l’accueil fut exceptionnellement lamentable, étonnamment inexistant, voire repoussant tout comme ce fut le cas à Coïmbra, l’an dernier au Portugal. Tiens, tiens…! Comme la similitude des réactions de ces municipalités ou régions politiquement « rougeoyantes » est similaire dans leur attitude qui consiste à dire : nous voulons bien votre monnaie, mais pour le reste passez votre chemin… sans nous ! Étonnant, non !

Quoi qu’il en soit, nous poursuivons le chemin vers le sud par la Via Francigena que nous abandonnerons à Buonconvento pour piquer à l’est vers Assise par le chemin dit  « franciscain », plus ou moins bien balisé. Nous devons alors franchir perpendiculairement des vallées, orientées grosso modo Nord-Sud, effectuant ainsi un jeu de saute-moutons dans un univers plutôt sec aux marges de la Toscane que nous quittons et de l’Ombrie où nous pénétrons. Comme presque partout en Italie, c’est ici aussi un pays de vignes mais aussi de villages de briques rouges, perchés au sommet de collines ainsi Pienza, Montepulciano, Panicale. Et finalement depuis les dernières collines, on distingue déjà au loin dans la brume matinale la tache blanche que forme Assise, au pied des Monts Subiaso. C’est maintenant l’avant-dernière étape pour rejoindre la basilique Santa Maria degli Angeli (Sainte Marie des Anges) construite autour de la Portioncule, la chapelle bâtie par saint François où il eut l’apparition des anges. Le sanctuaire nous attribua une chapelle, petite certes, mais dans l’enceinte de la basilique tout de même, à la grande joie du Père Michel-Marie. Grâce soit rendue aux autorités des lieux.

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Messe à Santa Maria degli Angeli

 

Et puis ce fut le dernier jour ! Malgré la fatigue accumulée, les jambes sont légères (les sacs-à-dos étant demeurés à l’hébergement) pour parcourir les derniers kilomètres en effectuant même un parcours allongé par Rivotorto dont la basilique abrite un ensemble de cabanes originellement construites par Saint François. L’endroit est émouvant car c’est ici que le saint débuta son apostolat. Se rapprochant d’Assise, voici San Damiano, le couvent de sainte Claire.

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San Damiano, couvent où vécut sainte Claire

 

Puis un peu à l’écart, dans les collines boisées, les plus courageux se rendirent au splendide ermitage della Carceri (ermitage des prisons) où saint François et ses disciples aimaient à se retirer comme dans une prison afin de chasser de leur âme « le plus petit grain de poussière que le contact avec les hommes y aurait laissé ». Ce lieu enchanteur dans son écrin de verdure est en effet propice à la méditation et à la prière. Ici le silence s’impose à tous, si bien que les nombreux visiteurs sont étonnamment silencieux ; silence troublé uniquement par le chant des oiseaux, sans aucun doute les descendants de ceux qu’a côtoyés saint François et qui lui rendent ainsi hommage.

 

 

Enfin le but ultime du pèlerinage est atteint à l’imposante basilique de saint François d’Assise, joyau d’architecture mais surtout de peintures, posée sur son promontoire, comme à l’assaut du ciel, ainsi que nous y invite saint François. La fatigue a maintenant fait place à la joie, joie d’avoir parcouru un fabuleux chemin sur plus de 950 kilomètres, joie d’avoir fait partie d’une petite communauté nomade, certes éphémère mais priante et amicale, joie d’avoir porté de très nombreuses intentions de prières et de les avoir déposées aux pieds de saint François.

 

 

Enfin, les évènements importants doivent se clôturer par un banquet, comme tout bon gaulois de souche ou culturel en est convaincu. Nous n’avons bien évidemment pas dérogé à la règle ! Les spécialistes cuisiniers auto désignés nous ont donc préparé un splendide repas au cours duquel fut remis le Testimonium, « diplôme » équivalent à la Compostella, qui met un point final à notre pèlerinage. Honneur et félicitations aux quatre « finalistes », Thierry, Philippe, Vincent et Delphin qui ont dignement effectué la totalité du parcours et également à Patrick pour un parcours quasi complet, honneur aussi à tous les autres qui ont participé même partiellement à l’aventure. L’équipe fut ainsi constamment composée d’une douzaine de membres. Un grand merci au Père Antoine, gardien des capucins de Morgon qui a bien voulu nous « prêter » le Père Fidèle-Marie et le Père Michel-Marie et que nous avons tout de même rendu à leur communauté, conformément à nos engagements. Sans eux nous aurions été spirituellement affamés !

 

 

Finalement nous avons bien dû nous séparer, le cœur gros d’un étrange sentiment d’abandon des amis, rempli de nostalgie comme toujours en pareilles circonstances mais cependant avec l’espoir de se revoir dans d’autres occasions… sans doute à Lourdes pour le pèlerinage du Christ-Roi ?

JPP

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